- Sète - 13 - Présence du volcanisme près de Sète : ce qui s'est passé à Agde durant 250 mille ans -
Je reprends ces 2 photos (de 2012) :
qui me fascinent :
On connait bien maintenant la succession des évènements
qui ont conduit à la formation de cette étrange plage,
plage concave de sable noir, fait de débris basaltique.
Je vais vous conter ces évènements dramatiques
avec une certaine... partialité.
Les vulcanologues hésitent sur des points de détails
entre plusieurs scénarios possibles.
Je vais en choisir un qui ne sera pas trop compliqué
tout en étant hautement probable.
J'espère que vous ne m'en voudrez pas trop !
***
Cric crac, plongeons dans le passé !
Voici un million d'années
juste avant les évènements que je vais vous relater
cette région était une lagune
comme il en existe tant tout le long du Golfe du Lion.
Avec une tranche d'eau de faible épaisseur :
ce fait est certain et explique ce qui s'est passé.
Par une des fêlures qui fragilisent la croûte terrestre en ce lieu
le magma est monté
et a fait irruption dans cette mince lame d'eau.
S'est produite alors une très violente explosion,
dite "phréato-magmatique"
(comme il s'en est produit beaucoup en Auvergne
et que l'on appelle un " MAAR ").
Ce type d'explosion est d'une extrème violence !
Elle projette des matériaux solides à plusieurs kilomètres de haut
au sein d'un énorme panache de framents solides et de vapeur.
Elle projette aussi horizontalement ce qu'on appelle des
"déferlantes basales"
qui détruisent tout sur leur passage
et recouvrent le sol d'une épaisse couche de matériaux
(que l'on appelle le "matériel volcanique")
matériaux que nous allons justement observer ici.
La photographie ci dessus n'est pas celle de l'explosion,
je suis arrivé, excusez-moi, une heure après, sniff,
et je n'ai pu saisir que le panache de vapeur, bien plus réduit,
qui a succédé à celui de l'explosion.
Il y a eu 6 explosions successives :
6 fois le magma est monté, en des points voisins mais distincts,
et a rencontré l'eau,
la transformant à chaque fois instantanément en vapeur,
et ces explosions, se succédant,
ressemblaient à une monstrueuse quinte de toux.
Pourquoi la montée de la lave s'est-elle faite en six points différents ?
Parce que chaque explosion, par sa puissance inouïe,
obturait hermétiquement la cheminée par laquelle le magma montait,
par un "bouchon" violemment enfoncé que l'on appelle un "diatrème",
et on a , par des méthodes magnétiques, localisé six diatrèmes.
Pourquoi ces explosions furent-elles si violentes ?
Cela tient au fait que le volume d'eau présent
ne dépassait pas le volume de la lave qui surgissait.
Retenez cela si vous voulez reproduire ce phénomène :
ne mettez pas trop d'eau,
sinon ça pétera moins fort.
Ou même pas du tout
et c'est (pour les curieux) ce qui se passe en permanance au fond des océans :
la lave qui jaillit forme gentiment des "coussins" : "pillow-lavas"
(Ceux d'entre vous qui iront en Slcile pourront observer des pillow-lavas
au nord de Catane, à Aci Castello)
Mais revenons à Agde.
Ces explosions ont été très violentes
et ont déposé un "matériel" typique de ce genre d'explosion :
du " tuf jaune ".
(pour les curieux : pourquoi est-il jaune ?
du fait que se produit alors une altération des verres volcaniques en palagonite)
Et justement nous observons des tufs jaunes
dans les falaises de la grande Conque :
voyez ce millefeuille : il contient des couches de tuf jaune
(et d'autres... que nous allons voir).
On imagine, en voyant ces dépôts ( pourtant très érodés),
quelle pouvait être la puissance des "déferlantes basales" !
Mieux valait ce jour là n'être pas sur la plage.
Ces explosions gigantesques ont fini (très vite)
par combler la lagune
enfin... presque.
Donc la quantité d'eau a fortement diminué
et les explosions qui se sont produites ensuite
(car la lave continuait à monter) ont été moins violentes.
De ce fait le tuf produit a changé d'aspect :
il est devenu un tuf gris.
(Pour les curieux uniquement :
Dans ce tuf gris, le verre volcanique ne se transforme pas en palagonite)
Sur la photo précédente, ou bien sur la suivante,
vous pouvez observer un empilement alterné de tuf jaune et de tuf gris.
Qu'est ce que cela signifie ?
(Soulignons que le tuf, qu'il soit jaune ou gris,
ne se produit qu'en présence d'eau,
c'est à dire uniquement lors d'une explosion phréato-magmatique.)
Cette alternance signifie que la quantité d'eau présente variait !
Tantôt il y en avait plus, tantôt il y en avait moins.
De là à imaginer que la mer, furieuse, a dit son mot,
il n'y a qu'un pas.
On peut imaginer que d'énormes vagues montaient parfois
et se mêlaient au jaillissement du feu de la terre.
Quel spectacle dantesque ce devait être !
Quoiqu'il en soit,
de par l'accumulation des matériaux comblant la lagune,
l'éruption volcanique s'est progressivement isolée de la phase aqueuse,
et a donc changé de type.
On dit (cela fait savant !) que s'est instauré
un "dynamisme strombolien".
Ce qui signife que les explosions phréato-magmatiques ont cessé
et ont été remplacées par un fonctionnement analogue à celui
que nous observons de nos jours sur le Stromboli.
Comment fonctionne le Stromboli ?
Il émet une lave basaltique suffisamment fluide
pour qu'elle ne s'accumule pas au point de sortie,
mais forme des fontaines de lave
et des coulées qui peuvent se poursuivre sur des kilomètres.
Il se produit parfois des explosions,
qui projettent de la lave déchiquettée dans l'atmosphère,
mais elles sont rares.
Le Stromboli, et donc les autres volcans dits "stromboliens",
sont des volcans " effusifs " (ou volcans "rouges")
tels ceux de la Réunion ou d'Hawaï
bien différents des terribles volcans "gris"
qui eux sont " explosifs "
(comme le Vésuve ou la Montagne Pelée de la Martinique).
Nous arrivons donc, pour Agde, dans la troisième phase
( après la phase de tuf jaune puis la phase de tuf gris )
Le cratère du maar primitif est alors totalement rempli de lave,
et le volcan, complètement isolé de l'eau,
poursuit son activité autrement,
en édifiant, par la répétition de ses coulées,
un cône basaltique caractéristique.
Et ce sera le Mont Saint Loup.
D'une altitude faible , il est vrai : 113 mètres.
(Le Mont Saint Loup vu de Marseillan)
Au sommet du Mont Saint Loup
on peut observer des " bombes volcaniques".
Bombes "en fuseau"
qui montrent que l'on est près du point d'émission.
Mais aussi, sur ses pentes,
on trouve des restes de coulées basaltiques :
Celle-ci a été transformée en carrière...
et en dépôt d'ordures.
Le cône du Mont Saint Loup n'est pas resté seul.
Deux autres cônes stromboliens se sont édifiés près de lui,
le tout formant un "complexe volcanique" !
les pointillés indiquent l'emplacement de l'initial cratère de maar,
et les points rouges l'emplacement des diatrèmes repérés..
(je parlerai plus tard du sixième).
Le volcan Petit Pioc'h faisait initialement 80 mètres
mais il a été exploité pour en extraire de la pouzzolane
(exploitation à ciel ouvert, comme, en Auvergne,
le volcan Lemptégy dans la chaîne des Puys)
et il ne fait plus que 68 mètres.
Le Mont Saint Martin est encore plus petit : 55 mètres.
Il a complètement disparu,
recouvert par l'urbanisation.
L'histoire du complexe volcanique du Mont Saint Loup
ne s'arrête pas là.
Nous la poursuivrons demain.
***