- Un conte pour le 31 décembre 2011 : La Fée des pêches de vigne -.
J'avais déjà publié ce conte en juin 2009
je le remanie légèrement.
il est un peu long
Je le replace ce jour spécialement
à l'intention des personnes qui seront seules ce 31 décembre.
Comme moi : je vais rester seul par choix.
J'ai repensé à ce conte car Laurence,
non pas "ma" Laurence" d'Auvergne (salut à toi !),
mais une nouvelle Laurence, peut-être de Pézenas,
a lu ce conte et m'a laissé un commentaire.
Or cette Laurence méridionale est conteuse,
et si vous allez sur son blog, en lien dans son commentaire,
vous touverez des contes.
Cela peut être une occasion pour plusieurs d'entre vous. .
La pêche de vigne
La pêche de vigne,
c'est une petite pêche bleue violette,
comme si on l'avait trempée dans du vin pendant quinze jours.
Elle est si savoureuse, si délicieuse, si exquise,
qu'autrefois tout le monde en avait dans son jardin.
Mais aujourd'hui, même les paysans n'en ont plus,
et la pêche de vigne a presque disparu de la surface de la terre.
Or il y avait quelqu'un, c'était il y a bien longtemps,
qui avait mangé une de ces pêches là dans son enfance.
Il en avait gardé un souvenir si extraordinaire
que lorsqu'il fut devenu roi, il ne rêva, dans son palais,
que de retrouver une de ces petites pêches de vigne.
Il envoya des messagers dans le monde entier
pour lui en ramener.
Mais jamais ils n'en trouvèrent une seule.
Or tout près de sa capitale, mais dans une vallée reculée,
vivait un vieux paysan, avec ses trois fils.
Il avait autant de pêches de vigne qu'il en voulait :
il en avait même plein son jardin.
Un jour, l'aîné de ses fils apprit la nouvelle.
L'occasion lui parut bonne de devenir riche.
Une nuit, sans rien dire à personne,
il mit son costume du dimanche,
prit un coffre très solide,
alla ramasser les plus belles pêches.
Avec le coffre plein sur son dos,
il partit à la ville,
en essayant de ne pas se faire remarquer.
Il y arriva de bonne heure,
les rues étaient encore désertes.
Mais sur la place du palais...
une vieille femme semblait l'attendre.
Il la reconnut aussitôt.
C'était une vieille bergère qui était complètement folle,
qui ne se lavait jamais
et qui sentait horriblement mauvais.
Elle se dirigea vers lui
et lui demanda ce qu'il portait dans un si grand coffre.
Il regarda de l'autre côté de la place
et fit comme si il ne l'avait pas entendue.
Elle lui donna un grand coup de coude dans les côtes
et lui cria dans les oreilles :
« Que transportez-vous dans un si grand coffre ? ».
Il continua de faire comme si il ne l'avait pas entendue.
Elle lui redonna un grand coup de coude dans les côtes
et lui cria de nouveau :
« Que transportez-vous dans un si grand coffre ? ».
Elle criait si fort, si fort...
qu'il se mit à craindre qu'elle ne réveille la ville entière.
Pour la faire taire, il répondit :
« Je transporte .............. un œuf de cheval ! ».
Alors elle parut satisfaite,
mais avec sa main, fine comme une aiguille,
elle glissa, au milieu des pêches de vigne,
dans ce grand coffre si bien fermé,
elle glissa .... un œuf de cheval.
Quand il arriva devant le roi,
il ne voulut pas ouvrir le coffre
avant qu'on ne lui ait promis
tout ce qu'il avait imaginé de demander.
Des terres à blé,
des vignes à vin,
des étables remplies de vaches
qui donneraient des tonnes de lait.
Et une montagne de billets de banque.
Mais quand il ouvrit le coffre, il vit, au lieu des pêches de vigne,
un magnifique cheval bleu qui bondit et le renversa, le piétina,
bouscula tout sur son passage, brisa les portes et les fenêtres,
dévasta parcs et jardins,
et quand tout fut bien cassé,
il bondit dans le ciel et se transforma en nuage.
Alors le roi, couvert de bosses, empli d'une rage énorme,
se releva, s'approcha du fils du vieux paysan,
qui regardait le ciel sans rien comprendre,
et il lui allongea un si grand coup de pied dans le derrière
qu'il l'envoya débouler les escaliers,
ce qui lui fit le bas du dos bleu violet,
comme si on l'avait trempé dans le vin pendant quinze jours.
L'année suivante,
le second fils du vieux paysan voulut y aller à son tour.
Il se croyait beaucoup plus malin que son frère car,
ayant appris à lire et les manières de se conduire,
il désirait devenir un homme qu'on respecterait.
L'occasion lui sembla propice.
Il mit un beau costume gris,
une cravate, de belles chaussures vernies,
et pendant la nuit, sans rien dire à personne,
s'en alla ramasser les plus belles pêches de vigne.
Il les enveloppa une à une dans un joli papier de soie,
puis dans un second papier de plume,
enfin dans un papier de bois,
et termina ce joli paquet avec une jolie ficelle,
puis s'en alla discrètement à la ville du roi.
Il y arriva de bonne heure.
Les rues étaient encore désertes.
Mais sur la place du palais, la vieille était là.
Elle se dirigea vers lui
et lui demanda ce qu'il transportait dans un paquet aussi bien fait.
Il regarda de l'autre côté de la place
et fit comme si il ne l'avait pas entendue.
Elle lui donna un grand coup de coude dans les côtes
et lui cria dans les oreilles :
« Que transportez-vous dans un paquet aussi bien fait ? ». .
Il continua à faire comme si il ne l'avait pas entendue.
Alors elle lui saisit le nez,
et les cheveux qu'il avait soigneusement coiffés,
et lui cria une troisième fois :
« Que transportez-vous dans un paquet aussi bien fait ? ».
Elle criait si fort, si fort...
qu'il se mit à craindre qu'elle ne réveille la ville entière.
Pour la faire taire, il répondit :
« Je transporte .............. un œuf de tigre ! ».
Alors elle parut satisfaite,
mais avec sa main, fine comme une aiguille,
elle glissa, au milieu des pêches de vigne,
dans ce paquet aussi bien fait,
elle glissa ... un œuf de tigre.
Quand il arriva devant le roi,
il le trouva fort méfiant, mais encore très intéressé.
Le roi ne prit pas le paquet, de peur d'y trouver un cheval.
Il ordonna à ses valets de l'examiner à sa place,
et pendant que ceux-ci l'ouvraient,
le second fils du vieux paysan demanda,
en échange de ses pêches de vigne,
tout ce qu'il avait imaginé demander :
un poste de ministre,
ou tout au moins de conseiller,
un château avec des jets d'eau,
une voiture,
des gendarmes......
Il n'avait pas encore tout dit quand, du paquet,
sortit un magnifique tigre bleu
qui dévora les domestiques et les soldats.
Il eût aussi mangé le roi
si celui-ci n'avait pas pris la poudre d'escampette,
pour se réfugier au plus vite dans le fourneau d'une cuisine,
qui, heureusement pour lui, ce jour là, était éteint.
Quand le tigre eût tout mangé,
il s'envola dans le ciel et se transforma en nuage.
Alors le roi sortit de son four,
et les autres de leurs cachettes,
tous s'approchèrent lentement du second fils du vieux paysan,
qui regardait le ciel sans rien comprendre,
et ils lui donnèrent, tous ensemble,
un si grand coup de pied dans le derrière
qu'ils l'envoyèrent débouler les escaliers,
ce qui lui fit le bas du dos bleu violet,
comme si on l'avait trempé dans le vin pendant quinze jours.
L'année suivante,
le troisième fils du vieux paysan voulut essayer à son tour.
Il ne souhaitait pas être riche et n'avait pas appris à lire.
Il alla trouver son père et lui annonça son projet.
Un matin, sans s'habiller différemment, il descendit dans le jardin,
remplit son panier des plus belles pêches de vigne, et s'en alla vers la ville.
Il y arriva vers midi.
Les rues étaient remplies de gens,
d'artisans, de commerçants, de soldats, d'enfants,
et aussi d'infirmes, qui attendaient qu'on leur fasse la charité,
et de tous ces malheureux qui cherchent toute la journée
ce qu'ils n'ont pas mangé la veille.
La vue de ces gens l'attrista.
Il n'avait que ses fruits.
Il les distribua sans compter.
Il en donna tant qu'il failli ne pas en garder.
Il ne lui en resta que deux.
C'est alors qu'il vit devant lui la vieille bergère,
celle qui était complètement folle,
qui ne se lavait jamais et sentait horriblement mauvais.
Il la connaissait bien.
Elle lui demanda ce qu'il transportait dans son panier.
Sans hésiter il lui montra ce qui restait de son trésor.
« C'est pour le roi,
mais une seule lui suffira. »
et pensant que cela ferait plaisir à la vieille bergère,
il lui donna la plus belle des deux pêches qui lui restaient.
La vieille bergère sourit
et se mit à croquer le fruit.
Quand elle l'eut bien savouré,
elle fit rouler le noyau entre ses deux dernières dents
et se mit en devoir de l'user.
Elle en fit un petit sifflet si beau, si bien ouvragé,
que c'était une véritable merveille.
Elle le lui donna et dit :
« Si jamais tu avais besoin de trouver quelqu'un qui se cache,
souffle dans ce sifflet pour l'obliger à se montrer. »
Le garçon le mit dans sa poche et n'y pensa plus,
puis il s'en alla vers le roi.
Il eut du mal à l'approcher, car le roi était devenu craintif.
Il dut subir des interrogatoires.
Parvenu enfin devant le roi, il lui montra la pêche de vigne.
Le roi n'en crut pas ses yeux.
Ce fruit qu'il avait tant cherché était maintenant devant lui !
Il aurait voulu le déguster,
mais il l'attrapa si voracement
que la petite pêche de vigne tomba droit dans son estomac
sans qu'il ait eu le temps d'y goûter !
Il en resta tout dépité,
mais l'instant d'après, il avait déjà oublié l'incident,
Quand à la fin de la journée, il vit le fils du paysan qui attendait,
il demanda qui il était et pourquoi il se trouvait là.
Il fallut tout lui rappeler, et aussi la promesse qu'il avait faite.
Il fut forcé d'en convenir et dit :
« Qu'il demande ce qu'il voudra !».
Le garçon ne savait pas quoi demander,
car ce qu'il avait lui suffisait.
Mais à ce moment là il vit la princesse passer.
Elle lui sourit gentiment.
Alors il dit au roi :
« Je veux épouser votre fille ».
Le roi faillit s'en étrangler !
« Tu veux épouser la princesse !
- C'est bien ce que j'ai dit ».
Le roi se mit à réfléchir.
Il ne trouvait aucune idée pour refuser ce qu'il aurait dû accorder.
Il trouva enfin une ruse.
« Je t'accorde ce que tu demandes,
mais avant, je voudrais te faire passer une épreuve.
Voilà : nous possédons, ma femme, ma fille et moi,
vingt petites belettes blanches auxquelles nous tenons beaucoup.
Il faut leur faire prendre l'air tous les jours
afin qu'elles ne s'enlaidissent pas.
Si tu veux épouser ma fille,
il te faudra les emmener dans la montagne
tous les jours pendant une semaine,
de l'aube au coucher du soleil,
et chaque soir les ramener sans en avoir perdu une seule. »
Le fils du vieux paysan accepta le marché.
Mais à peine furent-elles sorties de leur cage
qu'elles s'élancèrent dans la neige,
et le garçon eut beau courir et crier,
descendre et monter, escalader les rochers,
à la fin de la journée, il n'en avait pas trouvé une seule.
Il se laissa tomber dans la neige, épuisé.
Il regardait le soleil se coucher,
et se disait que le roi avait gagné,
quand il sentit, dans sa poche, un objet :
c'était le petit sifflet.
Il se souvint de ce que la vieille avait dit,
et souffla dedans.
En un instant les belettes étaient devant lui,
sages comme des images,
prêtes à aller là où il leur commanderait.
Il n'eut que la peine de se dépêcher de les ramener,
et le roi eut beau les compter et les recompter,
il n'en manquait pas une seule.
Le lendemain fut moins épuisant que la veille.
Le garçon s'amusa beaucoup jusqu'à la tombée de la nuit.
Il souffla alors dans son sifflet
et les belettes furent devant lui, sages comme des images,
prêtes à aller là où il leur commanderait.
Il les ramena au palais,
et le roi eut beau les compter et les recompter,
il n'en manquait pas une seule.
Le troisième et le quatrième jour se passèrent comme les deux précédents :
il n'en manquait pas une seule.
Le roi commença à comprendre que sa ruse allait échouer.
Sa femme lui conseilla de se déguiser en gardien des eaux et forêts
et, tout en faisant semblant de soigner les petites belettes blanches,
d'en emporter une ou deux sous son manteau.
Le roi fit ce qu'elle avait dit
et le garçon le laissa faire,
mais quand le roi s'en alla avec deux belettes blanches sous le bras,
le garçon souffla très doucement dans son tout petit sifflet,
et les deux belettes s'échappèrent.
Alors le garçon s'approcha du méchant roi,
qui cherchait ses belettes sans rien comprendre,
et il lui allongea un si grand coup de pied dans le derrière,
qu'il l'envoya débouler jusqu'au bas de la montagne sans toucher terre,
ce qui lui fit le bas du dos bleu violet,
comme si on l'avait trempé dans le vin pendant quinze jours.
Le sixième et avant-dernier jour de l'épreuve,
la reine remplaça le roi, qui était dans un triste état.
Elle se déguisa en couturière
et voulut faire semblant de raccommoder
les fourrures des petites belettes blanches.
Le garçon s'amusa beaucoup,
mais quand elle voulu lui voler deux des petites belettes,
il n'eut qu'à siffler doucement pour les faire s'enfuir de ses doigts.
Alors il vint près de la reine,
qui cherchait les belettes sans rien comprendre,
et il lui envoya un petit coup de pied au derrière,
qui l'envoya débouler jusqu'au bas de la montagne sans toucher terre,
ce qui lui fit le bas du dos bleu violet,
comme si on l'avait trempé dans le vin pendant quinze jours.
Le dernier jour, le roi et la reine, qui étaient dans un triste état,
supplièrent leur fille d'aller chercher
deux des belettes blanches pour les soigner.
Elle s'en alla voir le fils du vieux paysan
et, le voyant, elle le trouva fort séduisant.
Le garçon pensa aussi que sa demande en mariage avait été un très bon choix.
Ils en parlèrent tendrement,
s'embrassèrent timidement,
puis, avec le froid qui venait,
de plus en plus cordialement.
Le jour passa en un instant.
Quand la nuit vint,
ils rentrèrent tous deux au palais en se tenant par la main,
avec les vingt petites belettes blanches.
Et le roi et la reine
et tous les comptables du royaume
eurent beau compter et recompter, il n'en manquait pas une seule.
Alors le roi dit :
« Il y a encore une épreuve :
Il faudrait que vous remplissiez ce grand sac
d'une vérité que les savants n'ont pas encore trouvée ! ».
Le garçon prit les bords du sac et commença à chuchoter :
« Les savants vont bientôt apprendre
que le roi a le bas du dos bleu violet
parce qu'il a essayé de voler ....
Le roi cria :
« Ça suffit ! Ça suffit !
Le sac est rempli ! Le sac est rempli ! ».
Ainsi le troisième fils du vieux paysan épousa la fille du roi.
En revenant de la ville, ils rencontrèrent la vieille bergère.
Elle n'était plus vieille du tout,
elle n'était pas folle,
elle était propre et belle,
et toute sa personne embaumait,
car elle avait repris son vrai visage,
celui de la Fée des pêches de vigne.
C'est elle qui maria les jeunes gens,
et ils vécurent heureux longtemps, longtemps, très longtemps.
Si longtemps que,
s'ils ne sont pas déjà morts,
ils sont encore vivants.
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