Promenades philosophiques - 12 - Une "Justice" irréductible ? - Thémis : la bonne institutrice -
Oh....
aujourd'hui, programme allégé !
Nous n'avons que deux vers.
Mieux même...
nous ne verrons que le premier vers !
Et la Justice, irréductible,
garde les verrous au double mouvement.
Quand nous, occidentaux, nous pensons " Justice ",
nous voyons plus le glaive que la balance,
plus la rigueur d'une sentence, et la condamnation qui s'en suit,
que ce qui est juste et bien.
C'est probablement parce que nous sommes profondément marqués
,par le juridisme romain
qu'a relayé, et amplifié, avec une véritable rage homicide,
le christianisme,
lequel, pour assurer sa domination,
a terrorisé les gens par la menace de châtiments éternels,
allant jusqu'à les anticiper, par l'inquisition,
sans doute pour rendre plus crédibles les feux de l'enfer.
Telle n'est pas la vision du monde grec.
Revenons à notre poème.
Jusqu'ici, nous n'avions affaire qu'avec des messagers du divin,
des "angelos" , en quelque sorte.
Maintenant, nous sommes devant la divinité elle-même,
ou peu s'en faut :
Thémis, la Justice !
Elle est l'une des épouses de Zeus.
De leurs amours naquirent (entre autres)
les trois Moires: Clotho, Lachésis, et Atropos,
qui ont en charge notre destin, règlent la durée de nos vies,
et deviendront, à Rome, les Parques.
Et aussi les trois Heures, trois divinités de l'ordre,
qui sont ainsi les soeurs des Moires.
Elles ont pour nom : Eunomia ("la discipline"),
Dicé, ou Diké (la justice en tant qu'elle est appliquée, on dit aussi "le droit"),
et Eiréné (la Paix), de qui notre adjectif "irénique" tire son origine.
Ces trois demoiselles vivent dans l'olympe,
où elles veillent sur les portes de la demeure divine.
Elles sont de plus les servantes d'Héra : elles détellent les chevaux de son char.
Héra étant une autre des épouses de Zeus
mais un peu particulière puisqu'elle en est aussi sa soeur.
Quelle famille !
Les Heures sont aussi les bonnes copines du dieu Pan,
dieu que l'on reconnaît facilement car il a des poils aux pattes.
Si je donne toutes ces précisions,
c'est pour essayer de mettre un peu d'ordre
dans cette famille quelque peu brouillonne
dans laquelle je me perds facilement.
Revenons à Thémis.
Plutôt que cette " Justice ", porteuse du glaive, ce qui fait oublier la balance,
je l'ai imaginée en institutrice,
une instit telle que j'aurais bien aimé en avoir une.
"
C'est qu'en effet, être la gardienne vigilante de la Loi éternelle, cosmique,
ce n'est pas surveiller hargneusement les êtres humains
pour sanctionner avec sauvagerie toutes leurs incartades,
c'est s'assurer de la pérennité de toutes les lois qui fondent l'univers.
Par exemple la force de gravitation, ou la force d'inertie, et quelques autres.
Tout ce qui fait que les étoiles ne nous tombent pas sur le coin de la figure
et que le soleil revient nous éclairer chaque matin.
Bien sûr parmi ces "lois"
il y a aussi des lois psychologiques.
Elles s'imposent à nous comme un fait.
Elles sont un fait, aussi important que la loi de gravitation.
Si nous les transgressons,
pas besoin d'un coup de glaive pour nous faire expier notre erreur.
La sanction vient d'elle même, à son heure.
Elle est inévitable.
Mais le mot sanction n'est pas juste : il évoque jugement et verdict.
Mieux vaudrait dire :
les conséquences de l'acte que nous avons accompli
apparaissent inéluctablement.........comme se forme un fruit,
comme je me ferai mal à la main si je frappe un mur de mon poing.
C'est ce qu'il y a de juste dans la notion de KARMA des Hindous.
Et aussi dans celle de DHARMA, la loi du monde, l'ordre cosmique.
DHARMA, mot sanscrit, vient de la racine D H R , qui sigfnifie "tenir";
Le DHARMA, c'est ce qui fait tenir le monde debout.
C'est pourquoi cette loi est inflexible, irréductible.
Non par la sévérité d'un dieu punisseur (la version chrétienne)
mais parce que, sans cette loi, le monde s'effondrerait.
Inutile de sacrifier des taureaux
pour amadouer un dieu supposé irritable.
Il faut obéir à la loi, c'est tout.
Et si vous vous donnez un coup de marteau sur le doigt....
ça va vous faire mal, à cela on ne peut rien.
Sauf éviter de se donner des coups de marteaux.
Aussi je vois Thémis, mon institutrice, me dire :
"C'est ainsi que le monde fonctionne.
Avez-vous, élève pinson, une meilleure idée pour le faire fonctionner ?
Vous sentez-vous de taille ?
Heu... non , maîtresse ! "