- Gilgamesh 8 - Un mal étrange à moi t'a ravi -
Avant de poursuivre, je veux vous faire part de mon hésitation.
Je me rends bien conte que mon récit ne fait pas dans le rigolo.
Si bien que je suis en complet décalage avec l'esprit de ces jours
où il convient de se raconter de jolies choses.
J'ai pensé suspendre un temps mon histoire....pour être plus léger.
Mais certains d'entre vous veulent la suite
ce que je comprends aussi car j'ai excité votre curiosité.
Alors je propose à ceux qui préfèrent se plonger dans la tonalité festive de Noël
de ne pas regarder ce N° 8, ni la suite.
C'est en effet trop sombre : dans la tonalité des drames antiques.
Je m'abstiendrai tout de même de parler de Gilgamesh le 24 et le 25 :
je mettrai alors un conte de Noël.
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Durant la nuit qui suivit,
Enkidou fît un songe.
Se réveillant angoissé, alors qu'il faisait encore nuit, il appela Gilgamesh.
Il ne pouvait se lever, car il se sentait malade.
Il lui raconta ceci :
j'ai vu les dieux du ciel
ils se rassemblaient pour tenir conseil.
J'ai entendu le dieu Anou dire :
Puisqu'ils ont tué Houmbaba dans la forêt des cèdres
et qu'ils ont tué aussi le Taureau du ciel,
ils doivent mourir tous les deux.
Le dieu Enlil n'était pas d'accord.
Il s'est même mis en colère et a crié :
Gilgamesh doit avoir la vie sauve !.
Mais il faut faire périr Enkidou.
Alors les cieux se sont comme remplis de cris
comme si tous les dieux se disputaient
et les échos de ces cris ont envahi la terre.
Anzou, l'oiseau de la mort aux pattes de lion
m'a saisi par les cheveux,
et m'a piétiné comme un buffle sauvage.
Je t'ai crié : sauve-moi , mon ami !
Mais tu étais comme paralysé par la peur
et tu n'es pas venu à mon secours.
Alors mes bras se sont couverts de plumes
et je suis entré dans l'obscure demeure du dieu des enfers.
J'ai vu là tous les hommes puissants qui ont régné sur la terre autrefois.
Avec eux il y avait aussi tous les prêtres qui avaient servi les dieux,
et aussi tous les prohètes,
et tous les scribes,
et tous les magiciens.
Tous étaient couverts de plumes
et ils n'avaient pour se nourrir que de la poussière à manger.
En entendant ce récit Gilgamesh se mit à pleurer.
Les larmes coulèrent sur son visage et il s'écria :
- Pourquoi les dieux m'ont-ils épargné et frappé mon frêre ?
Puis s'adressant à Enkidou :
- C'est la fièvre qui te fait dire des choses aussi folles !
Elles n'ont pas de sens !
Dès que le soleil monta dans le ciel,
Gilgamesh invoqua le dieu Shamash pour son ami.
Enkidou, lui, tourmenté par la fièvre, ne pouvait se lever.
Il maudit le chasseur qui lui avait amené la fille du temple, disant :
que tes forces t'abandonnent, chasseur,
que tout gibier s'échappe de tes filets.
Puis il maudit la fille du temple en ces termes :
que jamais tu ne bâtisses de maison,
que l'homme ivre te frappe et te souille,
puisque tu m'as entraîné loin de mon désert !
Mais le dieu Shamash dit à Enkidou :
Pourquoi maudis-tu la fille du temple ?
Elle t'a fait manger le pain des dieux et boire la bière des rois.
Et elle t'a donné comme ami le beau Gilgamesh.
Après ta mort il portera ton deuil
se vêtira de peaux de bêtes et s'en ira vivre au désert.
Ces paroles apaisèrent la colère d'Enkidou.
Il accepta de retirer sa malédiction et de bénir la fille du temple.
Mais la fièvre ne le quitta pas
et il demeura gisant toute la journée.
Il en fut de même le lendemain
et aussi le troisième jour.
Et tous les jours suivants.
Le douzième jour, se redressant sur sa couche,
il s'écria :
Ô toi mon ami, pense à moi quand je serai mort,
ne m'oublie pas.
Et sur ces mots Enkidou s'enfonça dans le sommeil sans fin.
Quand revint le jour
Gilgamesh pleura sur le corps de son ami.
Oh toi mon ami, Enkidou,
toi qui à pour mère la gazelle
et pour père l'âne sauvage,
toi que les onagres ont nourri de leur lait,
que les cèdres te pleurent, et le jour et la nuit !
Que te pleurent les hautes cimes des montagnes,
que te pleurent les prairies
que te pleurent les ours
et que te pleurent les tigres
et les lions et les cerfs
et toutes les bêtes sauvages !
Que te pleure le fleuve.
Que te pleurent les laboureurs
et que te pleurent les artisans.
Et moi je me lamente.
Tu étais le secours de mon bras
un épée à ma ceinture
mon bouclier.
Oh mon ami
un mal étrange à moi t'a ravi
et tu ne m'entends plus.
Alors Gilgamesh
telle une lionne à qui on a pris ses petits
enleva ses riches vêtements,
les jeta loin de lui,
se vêtit de peaux de bêtes
et s'en alla au désert.
à suivre.....