- Le salut de la famille perdrix -
Je disais que j’étais sans désirs.
Ce n’est pas tout à fait vrai.
Hier, je voulais m’acheter une gomme,
car celle que j’avais tombait en charpie.
Je voulais aussi trouver du mascarpone et me faire un tiramisu,
pour me remonter le moral.
Car c’est un dessert qui tire l’ami su… dessus !
Je suis donc parti à la ville proche (20 km).
Tout était pour le mieux.
Ciel doux, bleu clair, car chargé d’humidité.
Route facile au milieu des champs
où l’on ne risque pas d’être surpris par des chevreuils :
on les voit venir.
J’écoutais JSB : concertos pour pianos (… merci !).
A mi parcours, pas une seule voiture croisée.
Pistache ronronnait doucement.
Un instant de perfection, en somme.
Et pourtant j’éprouvais une sorte de tristesse.
Comme si quelque chose d’essentiel me manquait.
Mais quoi ?
Soudain, au milieu de la route,
à quelques 200 mètres,
un oiseau…
une perdrix peut-être, ou une caille ?
En général l’animal fuit très vite,
mais celle là semblait hésiter, ne se décidait pas à partir.
J'ai lancé un appel de phare pour l’inciter à se sauver.
Aucun effet.
J'ai alors réalisé qu’elle n’était pas seule !
.
Près d’elle, dispersés sur la route, 4 ou 5 minuscules poussins,
pas plus gros que des noyaux de pêche.
C’est pourquoi la mère ne bougeait pas :
elle ne pouvait se décider à les quitter.
J'ai freiné pour lui laisser le temps de résoudre son problème.
Bien sûr tout cela s'est passé en deux ou trois secondes.
Elle réussit à les amener sur le côté gauche de la route.
Ouf !
Je suis passé, sans avoir le temps de voir de quel oiseau il s’agissait précisément.
Regardant alors dans le rétroviseur
j'ai vu que la mère oiseau était revenue au milieu de la route :
revenue pour aller chercher 5 ou 6 retardataires
qui ne s’étaient pas encore engagés sur la chaussée.
Mon dieu, quelle famille !
Et soudain j’ai eu peur :
Il s’en était fallu de bien peu
que je ne décime ce petit groupe d’êtres vivants !
*******
Mon insouciance au volant induisait un risque,
celui de blesser d'autres êtres.
J'ai alors réalisé combien j'étais égoïste.
Et- combien ma soi disant tristesse
n'était qu'une preuve de cet égoïsme.
Je me préoccupe des chevreuils, car je sais (par expérience !)
que si j'en percute un, je puis détruire ma voiture.
Mais je ne pense pas à ces petits animaux
qui ne me menacent pas
mais que je puis écraser.
En fait je ne pense qu'à moi !
La tristesse vient peut-être de ne penser qu'à soi....
Puis j'ai réalisé que mes paroles aussi pouvaient blesser
et que mon insouciance,
quand je parlais,ou écrivais,
était tout aussi égoïste
et dangereuse pour les autres.
Je parle par exemple pour exprimer "ma" tristesse,
comme si ça allait me soulager,
mais sans me préoccuper des autres :
de l'effet que ça peut avoir sur ceux qui me lisent.
Et pour plaisanter,
c'est-à-dire m'amuser....
il m'arrive de dire des mots... qui font mal.
Sans même que je m'en rende compte.
........................
Je me suis alors promis
non seulement de rouler moins vite
de penser davantage aux risques que je fais courir à d'autres sur la route,
mais aussi de parler moins, et avec plus de retenue.
Et si j'ai fait de la peine à quelqu'un par mes paroles
j'en demande pardon à cette personne.
Bon...
je n'ai pas trouvé de mascarpone.
Par contre j'ai trouvé une grosse gomme, de 710 grammes.
Dessus était écrit : " for really big mistakes ".
Je me suis dis que c'était exactement ce qu'il me fallait.
En fait, à l'usage, gommer avec ce gros bloc n'est pas très aisé.
Je vais la couper en morceaux plus petits.
Si l'un de vous a besoin d'une gomme
même pour effacer une peine de coeur,
je lui en envoie un bout .
.