- Texte mystère N ° 13 : un homme en prière -
Ce fleuve était ancien et sacré
et les gens venaient de très loin
pour mourir sur ses berges
et pour y être brûlés.
Il était l'objet d'un culte,
on l'exaltait dans des chants
car il était très saint.
Toutes sortes d'immondices étaient déversées en lui.
Les gens s'y baignaient, buvaient de son eau,
y lavaient leurs vêtements.
On voyait sur les berges des gens en état de méditation,
les yeux clos, assis très raides et immobiles.
C'était un fleuve qui dispensait abondamment,
mais l'homme le polluait.
A la saison des pluies, il avait une crue de près de dix mêtres
qui emportait toute la saleté
et qui couvrait la terre d'un limon fertile
grâce auquel les paysans sur ses bords parvenaient à s'alimenter.
Ce fleuve dévalait en grandes courbes
et l'on voyait parfois flotter à la dérive
des arbres entiers, déracinés par le fort courant.
On voyait aussi des animaux morts
sur lesquels étaient juchés des vautours et des corneilles
qui se querellaient,
et à l'occasion un bras ou une jambe,
ou même le cadavre entier d'un être humain.
Le moine le connaissait intimement,
il avait passé de nombreuses années sur ses bords,
entouré de ses disciples.
Il s'était habitué à lui
et c'était grand dommage.
Il le regardait maintenant
avec des yeux qui l'avaient vu des milliers de fois.
On s'habitue à la beauté et à la laideur,
et la fraîcheur du jour n'est plus là.