Un conte de Savoie : l'échaudé.
Vous allez dire que je n'ai pas fait la pause cette semaine....
Mais les contes que l'on m'envoie : ça ne compte pas
puisque je me contente de les mettre sur mon blog.
Alors cette semaine, je n'ai presque rien fait.
Et puis quand je fais des réflexions trop sérieuses ,
j'ai l'impression d'être un incorrigible casse-pied.
Alors je vous en mets un rien que pour rigoler :
l'échaudé.
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Tout au fond d'une vallée
loin, très loin, dans la montagne,
vivaient un vieux bûcheron, avec sa femme.
Ils habitaient à La Fraizette.
Sa femme s'appelait la Jeannette.
Ils vivaient là, tout seuls toute l'année.
Un soir, comme il faisait chaud, ils avaient ouvert la porte.
Le bûcheron faisait un panier.
Ils allaient manger la soupe.
Jeannette prit la soupe sur le feu.
Elle revint vers la table pour poser la marmite.
Elle poussa alors un "HA !" de surprise,
car elle vit dans la porte ouverte... un loup.
Un loup énorme, gros comme un âne !
Et Jeannette restait là...
avec la marmite de soupe à la main.
Son mari, qui n'avait rien vu, lui crie :
" Verse donc ! Jeannette ! "
Alors la femme a renversé la marmite sur le loup.
La bête a poussé un hurlement
et s'est enfuie au plus profond de la forêt, toute ébouillantée.
Eux, ils ont refermé la porte en vitesse,
et ce soir là, ils se sont passés de soupe.
Ouf !
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A quelque temps de là, il faisait très beau temps.
Le bûcheron partit en forêt, au Replat, pour faire quelques fagots.
Jeannette avait préparé sa musette.
Une fois arrivé, il s'est mis à faire des fagots.
Il ne s'est pas aperçu que le temps passait.
La nuit est arrivée.
Il lui a fallu du temps pour retrouver sa musette.
En la cherchant, il a fait des tours et des détours.
et s'est un peu égaré dans la forêt.
La nuit est tombée.
Et voici qu'il a entendu des hurlements de loups.
Vite, il a pris la route du retour.
Mais les hurlements se sont rapprochés.
Il est monté à un sapin.
Alors... qu'est-ce qu'il a vu déboucher au coin de la clairière ?
Un loup, un énorme loup ! C'était l'échaudé !
Il la bien reconnu, car ses poils n'avaient pas encore repoussés.
Le loup est arrivé au pied de l'arbre, a reniflé...
et lui aussi a reconnu le bûcheron.
Et dans sa tête de loup, il s'est dit :
"ça y est, cette fois, je le tiens !"
Il a poussé un hurlement terrible pour appeler ses frères.
Quelques secondes après, toute la horde est arrivée.
Ils étaient là, dix, quinze, vingt, toute une bande !
Ils ont fait un cercle autour de l'arbre et ont tenu conseil.
Voilà que l'échaudé s'est mis au pied du sapin
et les loups se sont fait la courte échelle.
Un premier, puis un second, un troisième, un quatrième.....
Le bûcheron, qui les voyait arriver, est monté plus haut.
Il est arrivé comme ça au sommet du sapin.
Notre pauvre bûcheron se sentit pris.
Un loup était sur le point de l'atteindre.
Alors le bûcheron s'est mis à crier :
"Verse donc ! Jeannette !"
L'échaudé, qui se rappelait de la marmite de soupe bouillante,
détala aussitôt.
Mais c'était lui qui tenait la colonne des loups,
et voilà tous nos loups qui tombent au pied du sapin,
et tout en boitant, ils retournèrent au fond des bois.
Le bûcheron put rentrer chez lui.
Ouf !
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Noël arriva.
Il y avait un peu de neige.
Un jour Jeannette dit à son mari :
"La semaine prochaine, c'est Noël.
Il faut descendre à Chambéry acheter quelques provisions.
Prends la petite luge pour passer le col des Près.
Et tu mettras sur la luge le tonneau."
Elle lui donna un casse croûte, un petit peu de vin,
et le bûcheron partit en tirant le tonneau sur la luge.
Il passa le col des Prés et redescendit de l'autre côté.
En arrivant à la Croix de Fornet;
il rencontra une demi douzaine de brigands.
Ils lui prirent son argent. Ensuite ils se dirent:
"Qu'est-ce qu'on va faire de cet homme là ?".
L'un dit : "On n'a qu'à le tuer et le jeter dans le ravin."
Mais ils se contentèrent de le mettre dans son tonneau :
ils ont enlevé le fond du tonneau, l'ont mis dedans, et ont remis le fond.
Puis ils sont partis après avoir envoyé le tonneau rouler dans le ravin...
Oulalalala !
Heureusement le tonneau s'arrêta contre un buisson.
Là notre bûcheron reprit ses esprits.
En se demandant bien comment il allait pouvoir se sortir de là.
Il essaya d'appeler par le trou de la bonde
mais personne ne répondit.
La nuit vint.
Il avait froid.
Il avait heureusement sa petite bouteille de vin pour se soutenir.
Le matin arriva.
Un jour passa.
Et voici la seconde nuit.
Notre bûcheron se sentit perdu, et se dit :
"Cette fois, c'est la fin !"
Il y avait un beau clair de lune.
Le froid était encore plus vif.
Et voici qu'au milieu de la nuit, il entendit du bruit.
Il jeta un coup d'oeil par le trou,
et savez-vous ce qu'il vit ?
L'échaudé !
L'échaudé approcha du tonneau, le flaira longuement,
puis il se mit à gratter autour du tonneau,
tourna autour en poussant des grognements.
Il reconnut à l'odeur que le bûcheron était dans le tonneau.
Et il se dit, dans sa tête de loup :
"ça y est, cette fois, je le tiens !"
Le matin arriva.
Et voilà qu'à un certain moment, le loup s'arrêta de tourner.
Le bûcheron vit sa queue se balancer devant la bonde.
Il passa la main par la bonde, s'empara du bout de la queue,
la tira à l'intérieur et se mit à crier :
" Verse donc ! Jeannette ! "
Notre loup, voyant toujours suspendu sur sa tête la marmite de soupe bouillante, se mit à détaler de toutes ses forces, entraînant après lui le tonneau et le bûcheron.
Ils remontèrent ainsi le ravin,
repassèrent le col des Prés à un train d'enfer,
puis ils arrivèrent en vue du chalet de La Fraizette.
L'homme, voyant fumer la cheminée de sa maison,
lâcha la queue du loup,
et le tonneau vint s'arrêter devant la porte de sa maison.
Il appela sa femme !
" Jeannette ! Jeannette ! "
Jeannette approcha du tonneau,
vit que son mari était dedans, et le délivra.
Ouf !
Quant à l'échaudé, on ne l'a jamais revu.