- Sète - 6 - Les Salins de Villeroy - Le sel et la vigne -
Nous allons entrer aujourdh'ui dans cette vaste zone sauvage
qui constitue la bordure sud de l'étang de Thau
et semble abandonnée au soleil et au vent.
C'est le domaine de prédilection d'une faune ailée riche
mais bien difficile à approcher,
et donc à photographier !
Dès qu'ils ont détecté notre approche
les oiseaux s'enfuient.
Ici ce sont des aigrettes,
lesquelles prenaient tranquillement leur bain avant notre arrivée.
Une retardataire s'éloigne,
pour rejoindre ses compagnes.
D'autres espèces sont présentes :
hérons cendrés, huitriers-pies, flamants roses,
canards de plusieurs espèces (tadornes de Belon, et autres),
échasses blanches, gravelots, avocettes....
Je n'ai ni le matériel ni les connaissances nécessaires
pour en parler, ou vous les présenter,
mais le seul fait de les apercevoir procure une émotion :
ce pays est habité par la vie
et de bien des façons.
En progressant vers le nord, on rejoint l'étang.
De petits ports de fortune, installés ici et là,
sont utilisés par des pêcheurs ou des chasseurs.
Pas de marée en Méditerranée
(ou plus précisément une si faible qu'elle n'est pas repérable)
Pourtant le niveau de l'eau varie.
C'est évident par exemple ici.
La cause en est le régime des vents.
Viennent-ils du Nord ? (Mistral)
S'ils sont assez forts, et durent plusieurs jours,
ils vont repousser vers le large les eaux de la Méditerranée,
et le niveau dans l'étang va baisser,
découvrant ici une zone sableuse encombrée d'algues.
Viennent-ils du sud ? (le Marin)
(Et ils peuvent être violents et persistants , souffler en tempête)
les eaux de la mer vont refluer vers la côte
le niveau de l'eau va monter dans l'étang,
et les vagues vont venir frapper ses berges avec force.
Mais laissons l'étang.
C'est l'intérieur même de la zone émergée
que nous allons explorer aujourd'hui.
Des sortes de chemins semblent nous inviter à les suivre.
Mais pourquoi sont-ils là ?
Où vont-ils ?
En les suivant, de cette position relativement haute,
nous dominons de chaque côté des zones déprimées,
où ne pousse aucune plante ,
d'allure plus ou moins rectangulaires
et où des flaques d'eau se forment.
Il a plu il y a peu.
Voici une indication intéressante :
le sol de ces zones semble imperméable.
Mais pourquoi sont-elles libres de végétation ?
Sont-elles stériles ?
Ici ou là, cependant, d'importantes étendues d'eau demeurent.
Elles sont encore reliées à l'étang,
lequel se trouve au-delà des digues couvertes de broussailles
qui les bordent au Nord.
On aperçoit dans le lointain la rive Nord de l'étang.
(l'étroite bande bleue sombre)
Des sortes d'îlots ont été aménagés à l'intérieur de ces pièces d'eau
par les protecteurs des oiseaux :
ils constituent des lieux parfaits pour leur nidification.
Nul ne viendra les y ennuyer !
Mais le mystère demeure.
Pourquoi tout cela ?
Ces chemins,
ces bassins,
ces buttes,
ces pièces d'eau ?
Le pourquoi...
c'est le secret du passé,
si proche...
et si lointain à la fois !
Quelques photos jaunies vont nous le révéler !
Regardez bien ces hommes...
ils ont travaillé ici !
Et regardez l'homme qui est au milieu,
béret bien à plat sur la tête.
Nous reparlerons de lui.
Poursuivons notre exploration.
Regardez ces curieuses rangées de piquets de bois
qui bordent cette pièce d'eau.
Quelle était leur fonction ?
J'ai cherché sur le Net
et j'ai trouvé un document concernant un autre site :
celui des Salins des Pesquiers, sur les îles d'Hyères.
Le lieu est équivalent : même région, même période.
Il semble bien que des rangées de piquets soient présentes.
Quel rôle jouaient-elles dans la récolte du sel ?
Et ces rangées sont-elles comparables ?
Comment obtenait-on ce sel ?
Au début du printemps on faisait rentrer l'eau de l'étang dans ces bassins.
Que l'on fermait.
Tout l'été le vent et le soleil provoquaient une évaporation intense.
Des cristaux de sel apparaissaient et se déposaient sur le sol
sur ce que l'on appelait des " tables salantes ".
Fin septembre, on rassemblait ce sel en tas.
On en chargeait des wagonnets.
En contemplant aujourd'hui ces zones un peu désolées
il est difficile de se représenter l'activité intense qui régnait ici !
De même on se représente difficilement
combien ce travail devait être dur.
Le soleil brûlant la peau,
l'effort musculaire intense, en pleine chaleur,
la morsure du sel lui même...
la moindre éraflure se transformant en crevasse douloureuse.
Il fallait entretenir les canaux qui amenaient l'eau salée.
Entretenir les digues qui délimitaient les bassins,
en construire de nouvelles,
et c'est peut-être à cela que servaient ces rangées de piquets :
à retenir le sable utilisé pour les édifier.
Je crois qu'on appelait ces petites digues des " Quérels ".
Il fallait transporter tout ce sel avant que les pluies
d'arrière saison ne surviennent.
Tout cela est inscrit dans le sol.
Tout alors se faisait à la main,
à la force des bras.
L'eau qui reste maintenant dans les zones non ou peu reliées à l'étang
est pour partie (variable) de l'eau de pluie.
Pourtant elle garde le souvenir du sel
car le sol en est encore imprégné.
Et c'est la raison pour laquelle la végétation ne peut pas encore pousser
sur l'emplacement des anciennes " tables salantes ".
Bien sûr je suis descendu
pour goûter cette écume blanche...
C'est bien de la mousse de sel !
Un vrai délice !
Derrière ce paysage
le souvenir des travailleurs du sel demeure.
Sur cette zone immense...
abandonnée.
L'extraction se poursuit non loin d'ici,
vers Aigues-Mortes,
mais cette fois avec des machines puissantes,
et à une échelle industrielle.
!
Ici, ce n'était que des hommes,
armés de pelles.
Des hommes qui formaient des équipes solidaires.
Des hommes qui étaient fiers de ce qu'ils faisaient !
Revoici l'homme au béret : c'est la même photo.
Il est le deuxième à droite.
C'est le Papé de Danielle.
.........
Aujourd'hui, peu à peu,
des grues se dressent à l'entrée de ces territoires
où ces hommes maniaient la pelle
et poussaient les brouettes.
Des lotissements vont être construits,
et faire disparaître une partie de ces anciennes pièces salines...
chargées de souvenirs.
Un mot encore.
Ces hommes n'étaient pas que des travailleurs du sel.
Ils soignaient aussi la vigne
avec amour, passion même.
Ici une équipe d'hommes et de femmes
pendant les vendanges.
Et le Papé est encore là, avec son éternel béret !
Ces mêmes hommes, et femmes,
étaient aussi agriculteurs :
ils cultivaient les asperges,
plantes qui aiment beaucoup le sable.
En fait, ils travaillaient tout le temps :
ce sont ces travailleurs qui ont construit notre pays.
Sur cette photo jaunie
je vous quitte pour aujourd'hui.
***