- Gilgamesh 6 - La rencontre - Les larmes d'Enkidou -
Or le soir de ce jour là...
Gilgamesh avait déjà un autre rendez-vous.
C'était chez la déesse ishara.
Un lit était préparé pour recevoir leurs amours.
Enkidou vint camper dans la rue où habitait la déesse.
Et quand Gilgamesh arriva
Enkidou ne lui permit pas de rentrer chez elle.
Il lui barra la route.
Ils s'affrontèrent alors, comme des taureaux sauvages..
ils s'empoignèrent
tant et si bien qu'ils ébranlèrent la maison de la déesse
faisant vaciller ses murs.
Le combat, longtemps, se prolongea.
Gilgamesh était furieux.
Mais sa fureur ne fut pas suffisante.
Il dut finalement reconnaître qu'Enkidou était le plus fort.
Et il consentit à plier le genou.
Ainsi prit fin le combat.
Ils scellèrent alors un pacte d'amitié.
Gilgamesh emmena avec lui son nouvel ami
pour le présenter à sa mère : Ninsouna la buflesse.
Il dit à Ninsouna :
C'est l'homme le plus fort du pays.
Il est aussi fort qu'un rempart.
Il est aussi puissant qu'un rocher qui serait tombé du ciel.
Il s'appelle Enkidou.
Mais il n'a eu ni père ni mère.
Il fut mis au monde dans le désert.
Personne ne l'a élevé.
Enkidou,
lorsqu'il eut entendu ces paroles,
devint pensif, soupira,
et ses yeux se remplirent de larmes.
à suivre....
Bien sûr je bous d'impatience de dire ce à quoi me fait penser cette très ancienne épopée.
Je trouve cet écrit extraordinaire.
L'affrontement qui est décrit ici sera repris plus de 2000 ans après
par le grec Sophocle
puis encore après un nouveau laps de temps de plus de 2000 ans
par un juif autrichien génial : Sigmund Freud.
Cet affrontement est celui du fils avec son père.
Le fils ne possède rien, et il est in-culte.
Il a devant lui cet homme qui "possède" sa mère
laquelle symbolise toutes les femmes.
Cet affrontement est capital dans la construction de la personne du fils.
Cet affrontement est capital dans la construction de toute personne humaine.
Elle est contestation de la position dominante du père
mais elle est aussi identification au père.
Le père est le rival à déloger,
mais il est en même temps le modèle.
L'auteur de l'épopée l'a compris
c'est pourquoi il fait dire par la fille du temple à Enkidou :
tu l'aimeras comme un autre toi-même.
C'est ça l'identification.
Bien sûr la formulation est ici à peine ébauchée.
Mais je trouve extraordinaire qu'à une époque aussi lointaine,
où l'écriture elle même était seulement en train de naître
une telle vision ait pu être exprimée si justement.
Il faudra attendre 5000 ans pour que Freud l'explicite, lui, très clairement.